par Pascal Molines
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20 juin 2020
Aujourd’hui, je vous propose un éclairage sur une technique un peu « magique ». Cependant, ce précis est un peu plus « technique »… Mais, vous allez voir qu’il est cependant tout à fait accessible et permet, j’espère, de mieux comprendre et apprécier certaines peintures…! Le Glacis (ou les Glacis). Préambule : ce précis évoque cette technique appliquée au départ à la peinture à l’huile, mais elle peut aujourd’hui s’appliquer à la peinture acrylique. Les additifs « Médiums » disponibles sont équivalents. Elle est également utilisée par les « Bombeurs » (mais oui !) en variant la distance entre la bombe et le support…! Les glacis, c’est quoi ? Par définition, un glacis est une couche de peinture « transparente » (nous verrons plus loin) que l’on superpose à une autre déjà sèche. Elle est donc très différentes de la technique de dégradé « classique ». Son but est de ne pas recouvrir un fond, mais uniquement d’en changer la teinte. Ce doit être une pâte légère composée de couleurs transparentes, (laque carminée, garance, bleu de Prusse, vert émeraude, jaune indien, blanc de zinc,…). Autant de couches peuvent être appliquées que nécessaire, ce qui veut dire que la superposition de couches peut donc être illimitée, les effets n’en seront que meilleurs. (Voir image principale du post). C’est une technique dite de finition. Pour comprendre un peu mieux, une pincée de « physique » : la lumière se réfléchit à travers toutes les couches picturales superposées. C’est cette lumière réfléchie que notre oeil perçoit (Exemple 2 – Illustration prélevée de « Manière de Peindre » par J-P Brazs.) Par phénomène optique, c’est le parcours de la lumière qui importe ici, les rayons lumineux traversent ces multiples couches de couleurs, se réfléchissent sur le support blanc et parviennent à nos yeux créant une impression de profondeur. Comme si la lumière provenait du dessous de l’oeuvre elle-même. D’où l’importance de la préparation du fond. Les couleurs ainsi superposées en transparence deviennent beaucoup plus intenses, lumineuses et cette sensation de profondeur est bel et bien réelle. L’on compare souvent ce phénomène à celui des verres colorés. Pour que ce phénomène soit réussi , la transparence seule ne suffit pas. Jamais une aquarelle, qui pourtant est par nature transparente, ne provoquera cette sensation d’intensité et de profondeur. Il faut pour cela que la pâte picturale soit suffisamment onctueuse pour créer une épaisseur sans perdre en fluidité, la peinture à l’huile ou acrylique est parfaite pour cela lorsqu’elle est composée de liant résineux et d’huile ou eau claire. Dans l’Exemple 3 (détail de peinture acrylique sur carton (Hugues Lobjet 2017)), on voit sur les « feuilles » (suivre flèches) que les glacis pour les ombres et les lumières sont appliqués sur les fonds qui au départ ne comportent aucun dégradé. Le volume est donc créé uniquement par l’application de glacis successifs du plus « léger » au plus « intense ». C’est à dire, de couches comportant beaucoup de médium (liant + liquide) et peu de pigment, jusqu’à des couches de plus en plus opaques ( plus grasses et pigmentées). Il faut attendre le temps de séchage entre cheque couche, ce qui demande beaucoup de patience… Vous l’aurez compris, c’est une technique « délicate » ! L’Exemple 4 (« Busto de mujer con velo », anonyme, huile sur toile 47 x 36 cm, env. 1550-1570) est une parfaite illustration de l’utilisation des glacis pour réaliser toutes les transparences du voile… C’est aussi un merveilleux résumé des précédents précis sur « Le gras sur maigre », « Le retour de Lumière » et « Le fondu au noir » ! Un peu d’histoire… Les grands Maîtres de la peinture à l’huile sont ceux qui sont parvenus à comprendre et à maîtriser ce phénomène physique au sein de leurs tableaux, aussi bien par le jeu interne des lumières que par celui de l’aspect. Car l’autre atout des glacis, est cette onctuosité faite de matière grasse, permettant d’obtenir un modelé très doux, lisse, sans traces de pinceaux, d’où l’idée du glaçage… Il est convenu d’attribuer la paternité de ce procédé à Jan van Eyck au début du XVe siècle, proposant alors une recette de peinture grasse, résistante à l’eau et aux effets visuels inédits. Il aurait été le premier à appliquer des glacis à l’huile sur des dessous à la détrempe (peinture dilluable à l’eau), ouvrant alors par la suite la voie vers le « tout à l’huile ». En conclusion. Les glacis sont l’essence même de la peinture à l’huile et acrylique, sans eux, la peinture est fade et semble inachevée. Ils peuvent se superposer à une peinture acrylique ou une peinture à l’huile, peu importe du moment que la surface est sèche. A savoir que pour optimiser au mieux le phénomène de profondeur, c’est le tableau entier (dans l’idéal) qui doit être réalisé en glacis, ainsi la lumière pénètre jusqu’au coeur pour facilement réfléchir sur le fond du support. J’espère que ce précis n’est pas trop rébarbatif ? Mais comme d’habitude, vos questions seront les biens venus ! Rendez-vous lundi prochain pour un nouveau précis. Artistiquement vôtre.