Historique de la « Tempera à l’oeuf » :
Le mot latin « tempera » signifie mélanger ou combiner. Tempérer signifie « mettre une poudre en pâte à l’aide d’un liquide liant pour en faire une peinture », mais également « faculté de régler, de mettre au point en prenant le juste milieu ». En l’occurence, ici le liant est l’oeuf, permettant alors de lier l’eau et l’huile.
C’est la peinture à l’eau la plus ancienne connue (hormis dans la préhistoire), elle était utilisée par les égyptiens, les byzantins ainsi qu’à l’époque médiévale, puis elle a cédé sa place petit-à-petit au XVe siècle lors de la découverte de la peinture à l’huile (Voir précédent précis). Elle s’utilisait pour peindre essentiellement sur bois. L’une des premières peintures à l'huile sur toile est une œuvre française, la Madone avec les anges réalisée vers 1410 (voir Exemple 1) et conservée au musée Gemäldegalerie à Berlin. Toutefois, la peinture sur panneau de bois a perduré jusqu'au XVI e siècle en Italie et au XVII e siècle en Europe du Nord.
Cette technique est facilement visible dans nos églises et plus particulièrement dans les églises romanes. En effet, la « Tempera à l’œuf » permet de peintre sur le plâtre qui servait d’enduit à la pierre.
C’est la technique traditionnelle des icônes, mais aussi sur du plâtre ou sur des panneaux de bois recouverts d’un enduit (craie/colle de peau). Il faut juste que la surface soit assez absorbante. Cependant, en séchant les couleurs se matifient et ternissent un peu, mais l’application du vernis va leur redonner tout leur éclat (icônes). Les enlumineurs autrefois utilisaient la pierre d’agate pour brunir les tempéras, outil généralement utilisé par les doreurs (Voir Exemple 2).
Cette technique est tellement « solide » que les œuvres médiévales réalisées à la « Tempera à l’œuf » sont aujourd’hui les mieux conservées de notre patrimoine. Elle est dite solide, car une fois sèche elle ne se dissout ni à l’eau, ni à la térébenthine, ni à l’alcool. Par contre elle sèche très vite ce qui complique la réalisation des fondus et des dégradés par exemple ( lire les précis précédents ). Mais l’œuf la rend très sensible à l’humidité et aux moisissures. Et contrairement à l’aquarelle ou à la gouache, il est possible de superposer les couches.
Le rendu final est assez exceptionnel (velouté, « poudreux ») et unique. C’est idéal aujourd’hui, pour donner un style ancien aux œuvres. On peut maintenant trouver dans le commerce des couleurs préparées « avec cette méthode », à partir de pigments naturels.
Cette technique est et fût très souvent utilisée comme ébauche sur laquelle on peint à l’huile par la suite.
Elle constituait alors ce que l’on appelle les couches « maigres » dont nous avons déjà parlé. Parfois on la nommait « glacis » bien qu’elle n’ai rien à voir avec le vrai « Glacis » (voir post précédent).
La recette… (enfin !)
Elle est donc composée de pigments naturels et principalement du jaune d’œuf (même s’il peut y avoir parfois l’œuf entier).
Comme indiqué plus haut, les recettes sont innombrables. Selon Nicolas Wacker (peintre français d'origine russe - 1897-1987), la proportion pigment/œuf est de 1 :1, qu’il faut allonger avec de l’eau pour avoir la consistance souhaitée. Voici sa recette pour peindre avec l’œuf entier : « Cassez l’œuf dans une assiette sans briser le jaune et sans le mélanger au blanc. Avec une brosse, retirer le germe qui adhère au jaune, et aussi la peau qui l’enveloppe. Mettre ensuite l’œuf dans un flacon et secouer énergiquement. L’ajouter en peignant au pigment. Allonger à l’eau ». Selon lui, ajouter du vinaigre comme on le voit souvent dans les recettes, est complètement inutile car l’acide est néfaste sur certain pigment.
Vous voyez que c’est une « sacrée cuisine » comme je le vous le disais plus haut…!
Il existe beaucoup d’autres recettes, anciennes ou plus récentes que je ne vais détailler ici…(voir internet).
Une des membres de notre groupe : Delphine, est en train de réaliser une copie de Piero di Cosimo (Exemple 3) utilisant cette technique, bravo !
Pour terminer, je vous invite à contempler la petite galerie jointe (Exemples 4, 5, 6 et 7) peinture anonymes dans des églises romanes réalisées à la « Tempera à l’œuf », bonne « dégustation ».
Comme toujours, n’hésitez pas à commenter, poser des questions et à m’encourager (bien-sûr !).
Artistiquement vôtre.